Forum Arkhan

Yvregrain, c'était un peu comme un grand village. La cité avait tout d'une ville : sa grandeur, ses commerces, ses hautes murailles... et pourtant, elle bénéficiait aussi de la chaleur humaine des gens simples, de ce petit côté rupestre qui fait tout le charme des villages. Des champs, des animaux d'élevage...
Aussi lorsque Paul se présenta à l'apothicaire et lui conta la raison de sa venue, il ne fut pas long à savoir de qui ce dernier lui parlait. L'histoire du pauvre gars mort d'un coup de corne de taureau, pour sûr qu'il était au courant ! C'est pas le genre d'accident qui passait inaperçu.

" Ah... pauvre bougre ! Il a pas eu de chance celui-là ! Et la Marie qui doit garder les moutons et s'occuper de la maison toute seule, pour sûr que c'est embêtant. Mais elle est têtue l'ânesse, ça oui, pas d'homme à la maison en dehors de son Gérard ! Sa maison est un peu plus loin, au sud de la ville. Depuis ici, faut prendre la route qui descend vers le sud. Elle serpente un peu et elle a pas mal d'intersections, mais continuez toujours à descendre. Quand vous pourrez pas aller plus bas, c'est que vous serez devant sa ferme. Si elle est pas dedans, c'est qu'elle s'occupe des moutons qui broutent l'herbe à côté. "

Dernière modification par Paul Hisson (30-07-2010 08:32:47)

Paul suivait la route en zigzaguant, jusqu'à arriver à la porte de la cité. Tout à coup, il réfléchit et se dit :
" Il m'a bien dit d'aller au sud jusqu'à ce que je trouve la maison, mais c'était dedans, ou en dehors de la cité ? "

Alors qu'il était encore en pleine réflexion, l'apothicaire arriva derrière lui en courant. Tout essoufflé, il essaya de parler à Paul :
" Hfff... Hfff... 'Scusez... Hfff... J'me suis trompé... Hfff... C'pas la bonne direction ! "

Reprenant peu à peu son souffle, l'apothicaire continua :
" C'est par là ! "
Son doigt pointait vers l'ouest.

" Remontez jusqu'à l'intersection, et prenez à l'ouest. Hfff... quand vous arriverez à l'antiquaire, prenez à votre droite. La maison donne sur le croisement suivant, vous pouvez pas la louper ! "

Le bonhomme semblait confus.

Dernière modification par Paul Hisson (30-07-2010 08:32:59)

Paul était dans l'embarras. Il avait bien trois maisons autour de lui, mais laquelle était la bonne ? Se tourmentant sans arrêt dans ses questions, et ressassant sans cesse ses envies d'œufs frais et de lait entier, un cri le fit soudain émerger de sa torpeur.
" Bêêêêh... Bêêêêh "

Ça pour sûr, c'était bien un mouton !
Le bruit venait de derrière la maison qu'il avait dépassée, derrière lui sur sa gauche... pile à l'angle de la rue !

Dernière modification par Paul Hisson (30-07-2010 08:33:25)

C'était le matin quand Paul frappa à la porte de la bâtisse. Mais rien, pas de réponse. Excepté les bêlements des moutons incessants qui provenaient de l'arrière. Ah si, il entendait quelque chose maintenant ! Quelqu'un parlait, une voix de femme, à peine audible. Le son provenait de l'arrière... comme les moutons.

Paul se décida à faire le tour et remarqua un autre bâtiment accolé à la maison. Un édifice en bois, avec une grande porte de chai à double battant et de petites fenêtres hautes. De la paille était entreposée sous un auvent juste à côté, et de nombreux brins s'étalaient par terre, trahissant un approvisionnement régulier au sein du bâtiment. Pas de doute possible, il s'agissait bien d'une bergerie !
Déjà l'odeur forte de la ferme emplissait les narines de Paul... et les paroles se faisaient plus distinctes aussi :

" ... as assez encore hein ! Vous en faut toujours plus... z'êtes bien des mâles ! 'tendez voir un peu, j'va m'occuper d'vous moi ! "

Dernière modification par Paul Hisson (30-07-2010 08:33:33)

L'intérieur de la bergerie était plutôt sommaire. Des clins de bois séparaient les parcs à moutons. Devant ces parois légères étaient disposés de larges abreuvoirs emplis d'eau. Et à mi-hauteur contre le mur du fond se tenait les râteliers contenant le fourrage. Les animaux avaient ainsi de la nourriture à disposition toute la journée durant. La femme était entrée dans l'un des parcages, remplissant de foin le râtelier de bois à l'aide d'une fourche. Elle ne cessait de pester sur sa condition et sur ces pauvres bovidés.

Lorsqu'elle eut terminé, elle sortit de son emplacement pour en rejoindre un autre, afin probablement d'y accomplir le même rituel. C'est à ce moment là qu'elle vit alors Paul qui se tenait tranquillement dehors à attendre.

La fermière portait une salopette bleue très sale, par-dessus une chemise à carreaux qui l'était tout autant. Ses cheveux gris, ni trop courts ni trop longs, n'étaient pas coiffés. Elle écarquilla ses yeux et fronça ses sourcils grisonnants en voyant le jeune homme.
" J'crois bien qu'on a d'la visite ! Qui qu'c'est l'bonhomme ! "

Dernière modification par Paul Hisson (30-07-2010 08:33:42)

La Marie écoutait Paul raconter son histoire les yeux tout écarquillés, la bouche bée et les bras ballants... l'appréciation de la gestuelle était peut-être un peu exagérée, mais c'était tout du moins l'impression qu'il avait en la regardant.
Elle mit quelques secondes à réagir : c'était pour lever sa main gauche au-dessus de sa tête pour se gratter le dessus du crâne avec son index.

" Z'avez dû louper un truc dans votre chichi... Gérard c'tait mon mari !
Mon n'veu il est bin v'nu. Mais l'est d'jà r'parti !
Pensez bin qu'j'a pas b'soin d'qui qu'ce soit ici, et surtout pas d'un homme qui connait rien à la ferme ! L'est bin gentil, mais bon... Et pis l'a ses occupations de village là, ses ouailles ont b'soin d'lui comme mes moutons ont b'soin d'moi ! Chacun son truc. Imaginez pas un politique travailler à la ferme quand même ? Pour ça, l'est bin gauche le n'veu ! "

Dernière modification par Paul Hisson (30-07-2010 08:33:51)

La fermière n'ajouta rien, regardant l'illustre inconnu s'en aller et disparaitre aussi soudainement qu'il était apparu. Elle aussi, avait repris la réalité comme si elle avait été frappée d'un uppercut dans le foie.
" Gérard... "

Paul ne se retourna pas, et se rapprochait inexorablement de la sortie de la ville à pas lents et lourds... déçu de ne pas y avoir trouvé ce qu'il cherchait.
Quoi de plus normal finalement, depuis le départ ils courraient après des ombres. Personne ne semblait vouloir d'eux. Et ce chef de village qui avait fui Nibel alors qu'eux attendaient plutôt des félicitations. Ce gamin à la sortie du village leur avait redonné l'espoir... Paul pensait vraiment retrouver le bonhomme ici, à Yvregrain ! Certes il avait mis un an à y aller mais... mais... un an ? Ouais, ça fait long quand même un an. Elle a dit qu'il était reparti où déjà ?